5 conseils précieux de Quentin Lebel, Facilitateur Senior | Design Stratégique & Organisationnel | Fondateur émancipio & Behind The Crux
Le métier des facilitateurs en tant que tel va se répartir entre ceux qui accompagnent les transformations en profondeur pour faire évoluer une entreprise et son modèle, et ceux qui proposent des prestations courtes, répondant à un problème ad hoc
Vous êtes designer de démarches collaboratives depuis bientôt 10 ans, quelles sont les erreurs que vous observez chez les facilitateurs néophytes ?
Penser pour le groupe
Les nouveaux facilitateurs ont tendance à se mettre à la place du groupe, ils ont même du mal à ne pas l’influencer. Même avec des années d’expérience, nous pouvons être tenté d’orienter la réflexion d’un groupe dans un sens ou un autre, généralement sur la base de notre propre expérience. Or, il est primordial de laisser le groupe faire son propre cheminement, qu’il apprenne à se dépasser.
Livrer une production sans recommandations
Comme je l’ai appris, une part des facilitateurs livrent souvent à leurs clients une production “brute de décoffrage”, mais à mes yeux ça ne suffit pas. En plus de l’expérience vécue et de l’avancée du groupe, la vraie valeur de l’intervention réside dans le travail de synthèse du facilitateur qui décrypte les modes de fonctionnement du groupe (les interactions, les blocages). Il faut impérativement faire un debrief avec les commanditaires de ce qui s’est joué durant les sessions collaboratives, puis co-construire avec eux des recommandations concernant l’organisation. Cela nous permet de faire émerger les problématiques et d’identifier les leviers qui sont à disposition du client. C’est sans nul doute le véritable atout du travail de facilitateur.
Négliger la prise d’autonomie
Notre travail en tant que facilitateur est de développer les compétences des équipes et promouvoir une culture de design au sein des organisations. La clé de réussite dans la résolution d’une problématique est d’associer l’individu à chaque étape du process. Chaque personne est partie prenante de la construction de la solution, et doit absolument y prendre part. C’est un changement profond de nos modes de pensées actuelles et de la culture dont nous avons hérité.
Sous-estimer le temps de préparation
Les facilitateurs juniors ont tendance à sous-estimer le temps nécessaire à la préparation des interventions, sans laquelle les moments collaboratifs ne peuvent être réussis.
D’abord dans la phase de qualification et de codesign avec les commanditaires, qui eux- mêmes en sous-évaluent l’intensité. Ensuite dans la conception et la préparation de l’expérience collaborative, car chaque détail peut avoir un impact positif – ou négatif – sur le groupe.
Manquer d’esprit d’anticipation
Les commanditaires et les facilitateurs sont souvent obnubilés par la préparation du jour J, au point d’oublier que le vrai travail commence tout de suite après l’atelier : Que faire avec toute cette matière ? Comment la transformer en actions concrètes ? Quelles sont les conséquences de ce temps passé ensemble à produire de la matière ? J’encourage les facilitateurs à pousser leurs commanditaires à répondre à ce type de questions en amont, au moment du design.
En effet, ceux-ci ont parfois du mal à évaluer la richesse et les applications positives du travail en mode collaboratif. A nous, facilitateurs, de maintenir le sponsor dans une certaine dynamique : prendre du recul et trouver le temps nécessaire afin d’avoir deux ou trois coups d’avance sur son organisation.
Quelles tendances observez-vous actuellement auprès de vos clients ?
Nos clients ont besoin de sens, besoin de recréer du lien. La relation aux autres, la place de l’individu et le côté expérientiel seront les aspects que nous devrons continuer à accentuer post Covid.
L’IA va avoir un impact décisif sur notre métier puisqu’elle va développer la capacité à décortiquer les problématiques (visualisation des données, simulation, exploration plus rapide, etc.). Elle va nous aider à mieux appréhender la complexité d’un sujet. C’est un vrai challenge pour les petites entreprises puisque ça va demander du savoir-faire qu’elles n’ont pas en interne.
La vraie valeur ajoutée de notre métier est de faire construire par les intéressés des solutions répondant aux défis d’une organisation, d’un écosystème, voire de notre Terre. Par contre, ces démarches sont exigeantes car elles mobilisent, dans la durée, un grand nombre de parties prenants : la pugnacité des commanditaires doit être sans faille.